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Protéines végétales ou animales ?

Marie Chetaille • mars 05, 2021

Comment ne pas faire d’erreurs....suivant son profil

(cet article a été publié par Biocontact en novembre 2020)

Les protéines végétales, souvent opposées aux protéines animales, ont le vent en poupe. Mais en nutrition comme ailleurs, rien n’est ni tout blanc ni tout noir… Les protéines végétales demandent avant tout une fine connaissance de leurs atouts et de leurs inconvénients, ainsi qu’une identification préalable de notre profil digestif. En effet, la « bonne » alimentation est celle que l’on adapte au plus près de notre terrain et de nos habitudes de vie. Alors comment faire quand on souhaite les inclure sans faire d’erreurs ?

L’organisme humain est à la base celui d’un chasseur-cueilleur, aux apports alimentaires mixtes ; il s’est ensuite adapté aux céréales et aux légumineuses quand l’Homme a apprivoisé et cultivé ces végétaux. Pour autant, l’utilisation des protéines végétales présente quelques écueils. Certains peuvent être contrés, mais la fréquence de consommation doit souvent être adaptée au cas par cas et à la tolérance de chacun.

Qu’est-ce qu’une protéine et à quoi ça sert ?
À presque tout, tous les jours ! Une protéine est un assemblage d’acides aminés, dont neuf (tryptophane, méthionine, lysine, leucine, isoleucine, phénylalanine, thréonine, valine, histidine) sont qualifiés d’essentiels car l’organisme ne peut les fabriquer lui-même. L’alimentation est donc le seul moyen de les lui apporter. Quand on parle protéine, on pense systématiquement au système musculaire et aux sportifs. Mais en réalité, les acides aminés (les petites briques constituant les protéines) sont les matériaux de base de presque tous les neurotransmetteurs, des anticorps, des hormones, etc. De plus, le foie utilise des acides aminés pour maintenir son propre métabolisme, tous les tissus et organes les utilisent pour assurer leur renouvellement cellulaire, y compris le système osseux. Par exemple, la glutamine assure le renouvellement du tissu intestinal, et la carnitine permet la pénétration des acides gras à longue chaîne dans les cellules. Elles jouent un rôle fonctionnel et structural majeur. Pour René Jacquier, ingénieur chimiste, les acides aminés seraient nécessaires pour garantir l’oxygénation cellulaire. C’est donc peu dire qu’il est impossible de vivre sans.
Une fois ingérées et digérées, les acides aminés pourront être mis à disposition de l’organisme en quelques heures ; en revanche, aucun système de stockage n’est prévu pour eux, ils sont soit utilisés directement, soit éliminés, ce qui oblige à les apporter de façon régulière et constante pour maintenir un fonctionnement fluide…

Animale ou végétale, quelle différence ?
Sur le plan nutritionnel, la principale différence est dans la composition de la protéine (complète ou non) et surtout dans la biodisponibilité de celle-ci. On estime qu’une protéine est complète quand au minimum tous les acides aminés essentiels sont présents ; seules les protéines animales (viande, poisson, œufs), et quelques protéines végétales (le soja, le sarrasin et le quinoa notamment) remplissent ces conditions. Reste le problème de la biodisponibilité, qui est toujours plus faible chez les protéines végétales, en raison de leur moins bonne digestibilité. Les scores PDCAAS (1) ou DIAAS (2) sont des indicateurs publiés par la FAO (l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture) qui prennent en compte la composition en acides aminés ainsi que la digestibilité. Ce sont des indicateurs très techniques et parfois sujets à controverse : le soja, par exemple, y obtient un bon score nutritionnel, mais derrière les produits laitiers dont on sait pourtant qu’ils sont sources de nombreuses intolérances. De plus, en 2005, des chercheurs canadiens en santé publique ont démontré que ces scores ne tiennent pas compte de l’effet des anti-nutriments présents dans les protéines végétales, ce qui diminuerait de 50 % le score du soja ou du pois.
En clair, l’excellente composition nutritionnelle d’un aliment ne dit rien sur la biodisponibilité de ses nutriments… En effet, les anti-nutriments présents dans les protéines végétales (lectines, inhibiteurs de trypsine) en représentent l’inconvénient majeur. Nous verrons que certaines parades existent pour diminuer leurs effets négatifs, à adapter ensuite selon les tolérances de chacun.
En plus des acides aminés, certaines protéines animales apportent également de la B12 (introuvable sous sa forme active dans  les végétaux)  et du fer héminique, la forme la plus biodisponible, de la vitamine D3. D’un point de vue nutritionnel global, on reproche à quelques protéines animales de contenir des graisses saturées (charcuterie, fromages) et du cholestérol (fromages, œufs). Ceci dit, à dose normale, graisses saturées et cholestérol sont également des éléments nécessaires à l’organisme.
Les protéines végétales apportent en revanche des fibres et des antioxydants, complétement absents des protéines animales ; et les oléagineux amènent des omégas-3. En fait, produits animaux et végétaux semblent plutôt se compléter harmonieusement. La qualité nutritionnelle d’une protéine dépend donc de sa capacité à couvrir les besoins en acides aminés indispensables, mais aussi de l’ensemble des éléments nutritionnels qu’elle apporte. À ce titre, il semble qu’un apport le plus diversifié possible soit le plus satisfaisant.

Où trouver des protéines végétales ?
Dans les céréales complètes (riz, blé, avoine), les légumineuses (soja, pois chiches, lentilles, fèves, haricots secs, cacahuètes…), les pseudo-céréales (quinoa, sarrasin), les oléagineux (amandes, noisettes, noix, noix de cajou). Les céréales et les légumineuses affichent un profil protéique incomplet : les premières sont généralement carencées en thréonine, lysine et isoleucine, les secondes en tryptophane, méthionine et cystine.
Les habitués savent que lorsqu’un seul acide aminé essentiel est absent de l’assiette, aucun des autres ne sera correctement absorbé, céréales et légumineuses sont donc associées pour apporter dans la même assiette un profil protéique complet et favoriser une meilleure absorption. Par contre, si un seul acide aminé essentiel est apporté de façon insuffisante, par exemple à hauteur de 30 % des besoins journaliers, l’organisme n’absorbera les autres qu’à hauteur de 30 % également, pour respecter l’équilibre. Attention aux carences qui peuvent s’accumuler au fil du temps.
Les anti-nutriments, de quoi s’agit-il ?
Pourquoi une plante contient-elle des anti-nutriments ? Tout simplement pour protéger sa descendance. En fait, quand nous consommons une céréale, une légumineuse ou un fruit oléagineux, il s’agit toujours des graines, soit les futures plantes. La nature a donc prévu de protéger au maximum ces graines et les nutriments qu’elles contiennent. Pour parvenir à protéger ses « bébés », la plante a inventé toutes sortes de parades : selon les cas, une coque rigide pour la mettre à l’abri, ou les fameux anti-nutriments. En diminuant la digestibilité des graines, ils contribuent à affaiblir la santé et la résistance de leurs ennemis et les intoxiquent petit à petit, réduisant ainsi les prédateurs. À noter que les variétés de céréales/légumineuses modernes, multi-transformées génétiquement et plus fragiles face aux attaques, secrètent plus d’anti-nutriments pour se défendre.
Au fil des siècles, les espèces animales se sont adaptées pour neutraliser ces composés toxiques : chez l’humain, omnivore depuis toujours, l’organisme n’a jamais vu l’utilité de se spécialiser uniquement dans le végétal et n’a pas déployé les mêmes efforts d’adaptation. La tolérance alimentaire est donc extrêmement variable selon les individus. Les protéines végétales sont par exemple bien protégées dans leurs enveloppes fibreuses et ne seront mis à disposition que pour les personnes dotées de capacités digestives optimales, ce que la médecine chinoise appelle un « feu digestif fort ». Pour tous ceux qui souffrent d’une carence en enzymes digestives, ce sera mission impossible.

Les anti-nutriments, comment les contrer ?
Voici un tour d’horizon de ces petits soldats végétaux et de leurs faiblesses :

– Les lectines : le gluten est la plus célèbre, mais ce sont des protéines très répandues dans le monde végétal, y compris dans certains fruits et légumes. Les légumineuses, les céréales complètes, le quinoa et le sarrasin, en contiennent toutes. Elles agissent en se fixant sur les sucres complexes présents dans les cellules intestinales, mais aussi dans le cerveau, les articulations, ou entre les liaisons nerveuses. Non seulement elles ne peuvent pas être décomposées par les enzymes digestives humaines, mais elles en réduisent l’activité. Comme le gluten, une exposition répétée provoque l’hyperperméabilité intestinale.
Enfin, les lectines favorisent la résistance à l’insuline, la prise de poids, la fixation des virus et bactéries sur les cellules et l’inflammation chronique, elle-même responsable de maladies auto-immunes ou allergiques.
Mais on sait aussi qu’à petite dose, les lectines peuvent aussi avoir des effets bénéfiques. Elles ne sont nocives que si les capacités digestives sont faibles (mais elles favorisent cette faiblesse) ou si elles sont consommées en trop grandes quantité. Elles sont heureusement en parties inhibées par la fermentation et la cuisson longue, mais pas totalement. Sinon, il suffirait de faire cuire les aliments contenant du gluten… Les produits à base de céréales seulement précuites (flocons de céréales, muesli) ou de soja non fermenté (le tofu, par exemple) sont donc plus nocifs. Les lectines étant surtout présentes dans le son, l’utilisation de céréales demi-complètes permet d’en éliminer une bonne partie. L’utilisation systématique du pain au levain (le levain étant un aliment fermenté, doté d’enzymes) est également un moyen efficace de neutraliser une partie des lectines. La germination en revanche n’a pas d’effet significatif.

– L’acide phytique : naturellement présent dans les légumineuses, céréales complètes et oléagineux, il inhibe l’absorption intestinale des minéraux et oligoéléments. Pour les végétaux, il permet de stocker les éléments essentiels au développement de la future plante, mais dans le tube digestif, il continue sa fonction de chélateur de minéraux (il s’y lie et les emprisonne), y compris avec les éléments qui auront été apportés par les autres aliments présents. Ces minéraux s’allient avec l’acide phytique pour former des phytates, des composés qui ne pourront pas être absorbés et seront éliminés par les matières fécales. Le zinc, le fer et le calcium sont particulièrement concernés. Le trempage des céréales complètes, au moins une nuit, permet de déclencher le processus de germination : une enzyme contenue dans l’enveloppe de la céréale, la phytase, est alors réactivée et s’attaque à l’acide phytique. La fermentation permet aussi de réactiver les phytases. Toutefois, dans le meilleur des cas, il ne diminue que de 60 %. Enfin, les effets de l’acide phytique sont réduits s’il est pris avec une protéine animale, qui stimule davantage la sécrétion d’acide chlorhydrique de l’estomac, preuve qu’animal et végétal travaillent ensemble même dans notre estomac !

– Les inhibiteurs d’enzymes digestives (trypsine, protéase (3), et amylase (4)). Ces inhibiteurs sont destinés à éradiquer les insectes prédateurs. Chez l’homme, ils sont suspectés de favoriser, voire déclencher l’intolérance au gluten ; ils peuvent accentuer la carence en acides aminés soufrés des légumineuses, favoriser l’épuisement de la sécrétion d’enzymes digestives du pancréas et entretenir la mauvaise assimilation des nutriments. Ils empêchent les enzymes digestives de remplir leur rôle et d’assurer une nutrition optimale, notamment l’absorption des minéraux, oligoéléments et vitamines. Les blés modernes et le soja semblent majoritairement concernés. D’autre part, on sait qu’ils sont plus concentrés dans les liquides : le tofu contient par exemple moins d’inhibiteurs de trypsine que le lait de soja. De plus, les inhibiteurs de trypsine et de protéases présents dans le soja sont plus résistants et nécessitent une cuisson particulièrement longue ; préférer les produits à base de soja fermenté. Concernant les légumineuses, il faut obligatoirement les faire tremper au minimum une nuit, avant une cuisson longue.

– Les saponines : ce sont des anti-nutriments présents dans toutes les légumineuses qui agressent la muqueuse intestinale. Elles sont sensibles à une cuisson longue, sans qu’on sache exactement à quel point ; dans le cas du soja, la fermentation semble plus performante pour réduire leur teneur. Le quinoa est une pseudo-céréale très riche en saponines, mais un rinçage préalable à une cuisson longue en élimine tout de même une bonne partie. Là aussi, tout dépend de la dose consommée et de la fréquence d’utilisation.

Pour résumer, on préfère les céréales anciennes (blé ancien, khorasan, épeautre), de préférence demi-complètes, on choisit un pain au levain (qui assurera la fermentation naturelle des céréales), on évite les multi-céréales qui compliquent la digestion. Pour le soja, on retient que les sources de soja fermenté sont les plus adaptées à notre système digestif. Les légumineuses doivent tremper minimum une nuit avant d’être rincées et cuites longuement (évidement, on jette l’eau de trempage). Les oléagineux seront également trempés, en moyenne 8 à 12 heures. Dans le cadre d’une alimentation diversifiée et en adoptant des techniques culinaires adaptées, les éléments nocifs ne seront jamais présents en assez grandes quantité pour être nuisibles : ensuite, tout dépend des facultés digestives.

Connaître son profil digestif
C’est la clé d’une utilisation appropriée ; selon son terrain et ses antécédents, on peut évaluer sa tolérance aux protéines végétales. On définira surtout le profil digestif faible, souffrant de difficultés digestives chroniques (hypochlorhydrie, remontées acides, syndrome du côlon irritable, dysbiose, hyperperméabilité intestinale…). Pour ces personnes, une consommation accrue de légumineuses et céréales complètes va augmenter l’inflammation intestinale et leur déminéralisation. Les profils nerveux, insomniaques, dont les capacités digestives sont encore diminuées doivent exclure les protéines végétales pendant quelques semaines ou quelques mois, puis pourront les réintroduire progressivement et occasionnellement pour diversifier leur alimentation, suivant les tolérances.
Le profil digestif fort, ne souffrant d’aucune difficulté digestive, inflammatoire, auto-immune, peu stressé, peut, s’il respecte bien les techniques culinaires adaptées, varier son alimentation grâce aux protéines végétales. Attention, même avec un profil digestif fort au départ, si on abuse et que l’on occulte les signaux d’alerte de l’organisme, on peut glisser irrémédiablement vers un profil digestif faible…


Certaines parades existent pour tromper les défenses des végétaux, mais nous ne sommes pas tous égaux devant eux : déterminez votre profil et fiez-vous à votre ressenti personnel. Le bon rythme est celui que l’organisme vous dicte !

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